Je suis allé hier à une réunion d'information à l'ambassade de France sur la "Radioactivité et la radio protection" réalisée par Olivier Isnard de l'IRSN.
Ressorti plutôt confiant et ayant posé autant de questions que je le désirais, voici mes quelques notes qui je suppose pourront être utiles aux autres français vivant au Japon (ou rassurant pour la famille).

Les slides de la présentation

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  • Mesures, comprendre
    • Le Becquerel est la quantité physique de matière radioactive.
    • Le Gray est une mesure d'énergie délivrée par la matière radioactive.
    • Le Sievert est l'énergie reçue par le corps de cette matière radioactive.
    • Les mesures préventives (données par exemple par l'IRSN) sont calculées pour une dose de radiation pour un enfant (le plus sujet aux radiations) pendant un an, mangeant un repas équilibre et varié tous les jours.
    • 1 Gray = 1 Sievert.
    • Le Becquerel est une très petite quantité donc est toujours exprimée en très grosses unités (ex: corps humain produisant 8000 Bq).
    • Le Gray et le Sievert sont de très grandes unités donc elles sont tout le temps mesurées en très petites quantités (ex: le vol Paris-Tokyo génère 10 nano Sv / 12h).
    • Le bruit de fond naturel (rayonnement cosmique et tellurique) est de quelques mm Sv/an. Un rayonnement de 150 nano Sv / h est donc très élevé.
  • Effet de la radioactivité sur le corps et voies d'exposition
    • La radioactivité est comme un tatouage, elle n'est pas assimilée par le corps et reste à vie.
    • La dose admissible d'absorption par personne est de 1 mSv/an soit 0,114 uSv/h. Il convient d'ajouter à ça le bruit de fond que j'ai mesuré au fin fond de la ligne de métro Oedo à environ 0,04 uSv/h. En conclusion, la mesure totale à ne pas dépasser est ~0,15 uS/h.
    • Une radioactivité dans l'’environnent de moins de 0,3 uSv/h est considérée comme naturelle.
    • Une radioactivité absorbée de 1 Sv génère un cancer. Au delà de 5 Sv en une seule fois, c'est la mort immédiate.
    • Voies d'expositions
      • Externe (pluie, poussière, etc.).
      • Interne - inhalation : 2 a 5 fois plus impactante que l'externe.
      • Interne - ingestion : 10 a 50 fois plus impactante que l'externe.
  • Radioactivité émise par la centrale
    • Composée de plus de 70 éléments, pas tous dangereux.
    • Chaque élément meurt peu à peu et son temps de désagrégation est compt" en demi-vie.
    • Eléments à suivre:
      • Iode 131 dont la demi-vie est de 8 jours et est particulièrement dangereux pour la thyroïde. Aujourd'hui on peut considérer que pour les premières radiations il a perdu 80% de sa puissance (1 mois = 4 périodes de demi vie : 100 / 2 / 2 / 2 = 12.5 % de puissance restante).
      • Iode 137 dont la demi-vie est de 2 ans.
      • etc.
  • Evolution de la radioactivité dans la chaine alimentaire:
    • La radioactivité s'est propagée d'abord dans l'air avec le nuage radioactif et s'est déposée comme de la poussière sur les végétaux. C'est pourquoi il est recommandé de ne pas manger les légumes à feuilles des préfectures avoisinant la centrale.
    • Du fait des relâchement dans l'eau de mer, elle se propage maintenant dans le milieu liquide (à moindre vitesse, elle parcourra la distance qu'a fait le nuage en plus d'un an) et se dilue peu a peu. Elle contamine le milieu aquatique et donc les poissons. Il faut d'ores et déjà surveiller la provenance de la nourriture marine (et éviter en particulier les coquillages).
    • Enfin, la radioactivité va être détectée dans les viandes car les végétaux irradiés sont aujourd'hui consommés par les animaux. Il faudra faire attention très prochainement à cette partie de notre alimentation.
  • Processus de fonctionnement normal d'une centrale
    • Démarrage : 4 barreaux de combustibles sont mis dans le réacteurs au début de la construction. Chaque année et en rotation, l'un d'entre eux est retiré et placé dans la piscine extérieure pour retraitement. La piscine sert à les refroidir pour arrêter la réaction nucléaire.
    • Fonctionnement normal : La réaction nucléaire des barreaux est contrôlée par de l'eau qui, en circuit fermé, refroidit le coeur du réacteur. Une injection d'azote régulière est réalisée pour stabiliser les gaz présents dans le coeur.
    • Procédure d'arrêt normal : Dans le cas d'un arrêt correct de la centrale, les barreaux sont donc placés dans la piscine pour refroidissement, le réacteur étant de ce fait arrêté (plus de combustible présent).
  • Chronologie des événements sur la centrale
    • Le tsunami a touché la structure de la centrale, le circuit de refroidissement du réacteur a été touché et s'est arrêté de fonctionner.
    • Le circuit de refroidissement de secours a fonctionné mais quelques heures uniquement.
    • Plusieurs réacteurs (2 et 3) se trouvant sans eau ont vu leur combustible non contrôlé mis à l'air libre (dans l'enceinte du réacteur) s'emballer et émettre différents gaz.
    • Les autorités japonaises ont voulu faire descendre la pression de manière contrôlée dans les réacteurs et ont "dégazé" à plusieurs reprises les premiers jours. Néanmoins, les gaz émis par la réaction entrant au contact de l'air ont fait exploser la structure externe. Il semblerait aussi que la structure interne (réacteur) soit maintenant complètement poreuse car il y a la même pression a l'intérieur et l'extérieur des bâtiments.
    • Les piscines de retraitement se sont à leur tour vidées peu à peu (évaporation de l'eau ?) et ont vu le combustible se retrouver à l'air libre. Ce combustible, à l'air libre dégage énormément de radioactivité.
    • Le combustible des réacteurs 1 et 2 a fondu et s'est transformé en corium.
    • Pour pouvoir reprendre le contrôle et donc refroidir le combustible, Tepco a du asperger une énorme quantité d'eau sur les bâtiments. Cette eau a d'abord été celle de la mer puis de l'eau douce. Il y a maintenant 40 tonnes de sel dans les bâtiments et le circuit n'étant pas fermé, les bâtiments sont complètement inondés avec de l'eau hautement radioactive.
  • Quel était le risque encouru quand les autorités françaises ont donné à leurs ressortissant le conseil de partir vers le Sud ?
    • Les explosions successives des réacteurs prédites par les français ont prouvé l'inefficacité des actions menées par les japonais, ceci malgré les conseils avisés de la France en la matière. La France avait apparemment anticipé nombre de problèmes à venir résultant des actions des japonais mais n'a pas été écoutée en début de crise.
    • Les actions menées au début de la catastrophe étaient dérisoires en regard des évènements. Par exemple utiliser de l'eau de mer héliportée alors qu'il fallait un débit énorme pour refroidir les coeurs.
    • Les piscines se vidant peu à peu ont été le facteur déclencheur de la décision. La perte d'une piscine (c'est-à-dire un assèchement de l'une d'elle) aurait été la perte du site car cette dernière aurait généré une radioactivité de plus de 100 Sv / h, radioactivité qui tue instantanément et qui aurait empêché quiconque de se rapprocher du site pour pouvoir arrêter la réaction en chaine.
  • Situation de la centrale aujourd'hui
    • La situation est toujours précaire mais stable.
    • Les émissions atmosphériques sont estimées terminées au 21/22 mars dernier. Il s'agissait des dégazages volontaires. Il n'y aurait plus d'émission aujourd'hui car les éléments sont sous eau.
    • Les émissions liquides se poursuivent en mer.
    • La mise au niveau 7 sur l'échelle des accidents nucléaires s'est fait tard (pour des raisons politiques !!!) mais est normale.
    • Par réacteur :
      • Réacteur 1 : En cours d'arrêt, coeur étanche. Le plus préoccupant finalement car il y a un risque d'explosion possible (très peu probable malgré tout). Il est injecté de l'azote pour éviter l'explosion
      • Réacteurs 2 et 3 : En mauvais état, toits soufflés par des explosions et coeurs non étanches. Matériel radioactif fusionné et donc transformé en corium. En cours de refroidissement.
      •  
      • Réacteur 4 : A l'arrêt, barreaux de combustibles dans la piscine située a 25 m du sol. Peu préoccupant si la piscine ne se vide pas.
    • Les fumées noires vues ces derniers jours semblent être dues à la fusion de pompe ou autre matériel - non préoccupant. Les chercheurs ont eu peur au début que ce soit le corium traversant le béton des réacteurs 2 et 3, mais ceci aurait créé une violente explosion (le corium et le béton en contact sont hautement explosifs).
  • Vue sur la suite du "démantèlement"
    • L'objectif premier est de créer un circuit fermé pour que l'eau injectée pour refroidir les réacteurs ne s'écoule pas partout (y compris dans les salles des machines).
    • Il faudra ensuite pomper cette eau hautement radioactive pour accéder au site.
    • L'IRSN pense qu'il restera ensuite de la boue encore plus radioactive dans le fond de la structure qui empêchera le travail des hommes.
    • Pour pouvoir travailler, il est possible que Tepco doive installer des murailles en béton pour isoler les travailleurs des radiations.
  • Danger pour Tokyo et protection
    • D'après le chercheur, même si le pire arrivait a Fukushima aujourd'hui avec des vents orientés vers Tokyo, il n'y aurait pas de danger pour la ville et ses habitants.
    • Pour se protéger, prendre UNIQUEMENT QUAND LES AUTORITES LE DEMANDERONT une pastille d'iode (à toujours avoir sur soi, disponible à l'ambassade), 6h à 1h avant l'arrivée du nuage.
    • Une mise a l'abris pourra être demandée (mais n'est efficace au mieux que 24h - en considérant une maison avec des murs en béton très épais) ou une mise en confinement (efficace 48h)... autant dire qu'il sera mieux à ce moment de prendre un vol A/R vers une contrée éloignée le temps que le nuage passe.