La nuit dernière a été très rude. Je n'ai pas dormi, réveillé par les secousses continuelles. Fumi a essayé de dormir mais je l'en ai empêché sans le vouloir, paniqué. Précédant chaque secousse importante, mon portable Japonais émet une sonnerie stridente et répétée comparable à celle utilisée lors des évacuations d'urgence dans les films Hollywoodiens. J'ai l'impression d'être en guerre. Il faut se calmer soit même, mais aussi la famille et les amis, paniqués par les événements. Difficile d'y voir clair, les informations se contredisent, chacun y met ses propres angoisses. Fumi est partie au travail en ayant dormi 2h au mieux. J'ai tenu à ce qu'elle prenne un taxi car notre ligne de train, bien que fonctionnant toujours, est la plus profonde de Tokyo. Je l'ai accompagné et suis rentré à pied. Il fait beau ces dernier temps, mais j'ai le regard baissé des jours sombres, impossible de se détacher comme semblent si bien le faire les Japonais. Tout est menace maintenant, je surveille mon environnement continuellement, ce qui peut tomber, comment me protéger, comment partir au plus vite.

Ce qui m'inquiète c'est la centrale de Fukushima. Maman m'a réveillé ce matin en m'annonçant qu'un des réacteurs de la centrale nucléaire située a 250 km au Nord de Tokyo avait explosé. Je ne sais pas ce que ça veut dire mais la nouvelle m'a glacé le sang. Je ne sais pas ce qui s'est passé dans ma tête, mais à l'annonce d'un calfeutrage probable (causé par un futur nuage radioactif arrivant sur Tokyo) je me suis senti mal. Calmement il a fallut expliquer à Fumi ce que cela voulait dire, en particulier dans la mémoire d'un Francais pour qui Tchernobyl est toujours présent. L'annonce a été assez rapidement expliquée par les autorités et il semblerait que rien pour l'instant ne soit problématique, tout au moins pour les Japonais. Les journaux étrangers ne sont pas aussi positifs et l'ambassade de France, très réactive et qui nous soutient beaucoup, n'est pas aussi optimiste.


Les secousses sont toujours aussi présentes mais ce n'est donc plus ça qui m'inquiète. J'ai peur d'une vague de panique qui saisirait la population japonaise si le danger à Fukushima venait à se confirmer. Toute la soirée j'ai tenté de convaincre Fumi qu'il fallait partir urgemment. Mes amis français de Tokyo sont aussi paniqués, maman aide beaucoup à l'affaire. 1h du matin. J'ai pris deux billets pour Paris pour 11h demain, Fumi se résigne mais est perdue..

1h30. J'apprends que le vol est reporté ! Narita est fermé à cause de Fukushima ! Fumi craque et veut aller au travail demain. Elle ira ensuite chez ses parents plus au Sud, à Hamamasu. Encore une courte et dure nuit en perspective...